L'ÉDUMÈTRE

Outils de mesure pour éducateurs

Outils de mesure pour éducateurs

Les composantes du climat scolaire

Le climat scolaire, pour lequel j’ai développé un outil de mesure dédié, comme la performance des élèves, dépend de différents facteurs : certains sont donnés (comme le style de discipline adopté par les parents à la maison), d’autres peuvent être améliorés, à l’échelle de l’école ou de la classe. Le schéma suivant résume un cadre théorique possible pour l’analyse du climat scolaire. On peut identifier 6 types de facteurs différents, que l’on regroupe par composantes, et qui influent directement sur le climat dans la classe. Les composantes en rouge ne dépendent pas de l’enseignant, les composantes en orange dépendent de l’école, les composantes jaunes de l’enseignant:

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  1. Le milieu socioéconomique du quartier où se situe l’école a des effets certains assez forts sur la performance scolaire, et dans une moindre mesure sur le climat scolaire. Pour mesurer le milieu socioéconomique, on calcule les moyennes des variables socioéconomiques des enfants (cf. 2) au niveau de l’école. En raison de la forte ségrégation sociale des établissements scolaires en France, la socio-économie du quartier est très fortement corrélée à celle de l’enfant: un collégien pris au hasard « ressemble »  fortement au « collégien moyen » de son établissement.
  2. Les variables les plus pertinentes en France sont la situation professionnelle des parents (en emploi, à temps plein ou partiel, en recherche d’emploi, inactif), le nombre de livres à la maison et la pratique de la langue française à la maison. Il est à noter que des déterminants « traditionnels » comme la catégorie socio-économique des parents, ont peu de pouvoir prédictif sur la performance des élèves en France. Pourtant, toute la « politique » éducative de notre pays est fondée sur ce genre de mesures; avec par exemple des indicateurs de « mixité sociale » qui dépendent de « la part des enfants d’ouvriers ». Les cadres de l’éducation nationale le savent; mais le cadre d’analyse Bourdieusien dans lequel notre système est englué nous empêche d’abandonner les « CSP », dans lesquelles personne ne se reconnaît plus 1. En réalité, compter précisément le nombre de livres dans la maison de l’élève permet d’obtenir une bien meilleure estimation de son potentiel académique. De plus, l’élistisme du système (redoublement, orientation professionnelle, options élitistes, « classe poubelles »…) renforce l’impact du nombre de livres sur la performance. En moyenne, 2/3 de la variance en performance de lecture est déterminée par les facteurs socioéconomiques (1 et 2), ce qui est un record mondial!
  3. Les compétences sociales de l’enfant influent sur le climat dans la classe. Des enfants qui ont du mal à gérer leurs émotions, à se concentrer pour suivre les règles, ont plus tendance à perturber la classe. En retour, l’amélioration du climat par la définition, l’explication et la mise en oeuvre de règles de disciplines claires permet aux enfants a priori « perturbateurs » de progresser dans un cadre rassurant. La mesure de cette 3e composante permet d’identifier de façon précise les élèves au profil « perturbateur » et par soustraction, de mieux cerner ce qui dépend de l’attitude de l’enseignant. Cette composante joue un rôle symétrique au nombre de livres à la maison dans l’explication de la littéracie. Un enseignant donné aura plus de mal à éviter les perturbations dans une classe avec 3 élèves au profil « perturbateur » que dans une classe sans aucun élève de ce type. Ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il n’existe pas de marges de progression. Statistiquement, la plupart des perturbations graves sont le fait de quelques élèves dans la classe.
  4. Par « contexte », on peut entendre toutes les circonstances quotidiennes qui, dans la pratique ont un impact non négligeable sur le climat; comme (i) l’heure à laquelle a lieu le cours (des élèves affamés, ou fatigués ont beaucoup plus de mal à suivre les règles); (ii) la période de l’année; (iii) la météo (les comportements violents ont tendance à augmenter avec la chaleur). Certains de ces facteurs peuvent être améliorés au niveau de l’école (les élèves sont plus concentrés le matin), tandis que d’autres ne sont pas contrôlables.
  5. Le style de discipline de l’école dépend avant tout de la personnalité du directeur ou de la directrice de l’établissement et de la façon dont il ou elle harmonise les règles et leur mise en oeuvre entre les enseignants. L’amélioration de cette composante est au coeur de la démarche de Soutien au Comportement Positif qui prospère en Amérique du Nord.
  6. Les pratiques de l’enseignant ont évidemment un effet sur le climat dans la classe et l’utilisation effective du temps scolaire. Un certain nombre de pratiques efficaces ont été mises en évidence depuis bien longtemps, comme l’organisation de la salle par exemple ou le fait d’encourager plus fréquemment les élèves que de les réprimander 2. Cependant, les connaître n’est pas suffisant, et un processus d’observations dans la classe et de coaching permet d’améliorer réellement les pratiques. 3
  7. Le climat disciplinaire a un impact certain sur la performance des élèves, en augmentant de façon mécanique le temps effectif d’instruction. Une classe avec moins de perturbations, c’est une classe où l’on passe plus de temps à apprendre et où les élèves sont in fine plus performants. Mais la performance dépend aussi, à climat et facteurs socio-éducatifs donnés, des pratiques pédagogiques des enseignants. L’efficacité de ces pratiques peuvent également être estimée à l’aide de quelques questions aux élèves, à propos de ce qui se passse dans la classe.

Enfin, le climat disciplinaire lui-même est mesuré (composante 0).

Et pour boucler la boucle, il faut mesurer la performance des élèves. Afin de mieux mettre en lumière des progrès parfois limités, on mesure la performance en mathématiques. Les chercheurs ont en effet montré que la litéracie ou la performance en sciences sont moins malléables que la performance en mathématiques, car elles dépendent très fortement du vocabulaire des enfants, dont la majeure partie est acquise avant l’entrée à l’école primaire 4.

Pour un décodage de l’outil de mesure du climat scolaire, cf. autre article.

 

Notes:

  1. La mesure officielle du contexte socio-éducatif a été récemment améliorée et utilisée pour la réforme du collège, cf. Le Donné et Rocher (2010). Mais en dépit des constatations empiriques des auteurs sur la faiblesse des CSP pour prévoir la performance scolaire, ce nouvel indicateur est toujours basé sur une définition, certainement très affinée, de la CSP des parents. La nouvelle mesure que je propose, sans CSP, est à la fois plus précise, plus rapide à mettre en oeuvre, et plus facilement interprétable.
  2. Cf. Article récent de Heinke qui montre que les enseignants « efficaces » ont plus recours à des encouragements, à l’inverse des enseignants « exténués » qui réprimandent violemment et souvent.
  3. Le modèle CCU pour Classroom Check-Up est en plein développement.
  4. En France, un enfant « défavorisé » compte 800 mots à son entrée au CP, contre 3 000 pour un enfatn favorisé.